Présentation de l’éditeur
Kolia, à l’approche de la quarantaine, se souvient de son enfance et de ces instants où l’innocence s’envole peu à peu.
« Le jour où mon père a débarqué avec son sourire conquérant et la Renault GTS, j’ai fait la gueule. Mais j’ai ravalé ma grimace comme on cache à ses parents l’odeur de sa première clope. J’ai dit « ouais », j’ai dit « super », la mort dans l’âme, même si j’avais compris que la GTS pour la GTX, c’était déjà le cinquième grand renoncement, après la petite souris, les cloches de Pâques, le Père Noël, Mathilde, la plus jolie fille de la maternelle, et ma carrière de footballeur professionnel. »
Dans ce court récit plein d’humour et de nostalgie, Nicolas Delesalle sonde les illusions perdues, les joies, les peines de l’enfance.
« « Kolia, je prendrais bien encore un peu de profiteroles » : voilà une phrase ultime qui ne m’aurait pas déplu. Simple, sans force symbolique, douce comme la plante des pieds d’un nouveau-né. Et si vraiment tu voulais me transmettre un message fort, si tu voulais absolument partir sur un uppercut dans les prémolaires, tu aurais pu choisir d’autres mots, pas ce triplet funèbre ; tout passe, tout casse, tout lasse. Il existe des milliers de conseils à donner à un jeune homme qui débute dans la profession d’exister. Des niaiseries et des fadaises qui sont agréables à entendre. […]
Papito, du haut de tes ruines, tu m’as dit la vérité toute nue alors que je l’aurais préférée accrochée à un ballon d’hélium et vêtue d’un truc sexy.
Tout passe, tout casse, tout lasse. Ça m’a longtemps agacé. J’ai eu du mal à l’accepter. J’ai longtemps eu le sentiment de vivre à blanc, pour rien du tout. […]
Tout passe, tout casse, tout lasse. A la réflexion, ce n’est pas une catastrophe. Heureusement qu’on a droit à l’oubli. Heureusement qu’on meurt, c’est comme ça qu’on sait qu’on existe.»
Attraper un instant avec un filet à papillon. Le glisser dans une bouteille en verre. Le regarder voler et se heurter aux parois. L’extraire du récipient avec une pince à épiler. Le punaiser sur une petite plaque en liège. Observer à la loupe les nervures de ses ailes, la tessiture de sa peau, compter ses poils, radiographier son squelette, renifler son parfum. Ouvrir son ventre à l’aide d’un bistouri électrique, dénombrer les organes, dérouler les nerfs, les muscles, soupeser le foie, palper les poumons, repérer le cœur. Percer les ventricules avec une épingle. Planter une plume dans les trous. Pomper. Et puis essayer d’écrire.
Né en 1972, Nicolas Delesalle est par ailleurs grand reporter à Télérama.
Il signe ici un délicieux roman poétique. Vraie sucrerie – qui n’a d’ailleurs d’égales que les fraises tagada – qui a élu domicile dans mon kindle. Je ne sais plus trop bien ni quand, ni pourquoi. Un prix du livre numérique (2013). La réminiscence est soignée, l’écriture imagée et évocatrice, le style doux, enfantin, presque.
Vibrant d’émotions, dans la joie, dans la peine, ce livre est empreint de belles choses. De choses simples. De choses fortes. De ces toutes premières fois. Du souvenir plein de sens – et de sensualité – qu’elles nous ont laissé.
Nous voilà captivés, comme avec entre les mains un album de Polaroïds improbables, défraîchis, jaunis, surannés,… Fugaces vestiges d’instants sépia, qui ont traversé une vie autant qu’ils l’ont nourrie et égayée,… Et qui nous ont fait vivre de si belles choses. Ces instantanés-là, sous la plume alerte de Nicolas Delesalle, sentent le vécu. Mon vécu, presque. Comme des relents de cuir vieilli lorsque l’on réouvre cette malle poussiéreuse, oubliée au grenier depuis tant d’années – mais, si, vous savez, cette malle de déguisements dont vous raffoliez à 5 ans… – une odeur de naphtaline, presque. L’odeur de la vanille dont Bonne maman parfumait ses charlottes, aussi – ma petite madeleine à moi, je vous le concède -… Les effluves iodées de l’océan – qui nous rappellent aussitôt notre première pêche à la crevette vendéenne (« Papa, c’est trop froid ! Papa, ça pique les pieds ! »). L’odeur des cerises à l’eau de vie de Mamie… Cerises dont nous avions, bien entendu, la plus formelle des interdictions de nous approcher (interdiction que –entre vous et moi – nous n’avons presque pas transgressée)…
Comme un parfum d’herbe coupée. Aussi. Le parfum doux et sensuel de ce jardin de la Marne, en cette fin juillet à la météo capricieuse. Jardin aux accents chimériques, volatiles, éphémères. Joyeux, impulsifs, instantanés, vrais, aussi. Vivants. Dignes de Polaroïds, presque. Vous savez, ce genre de pelouse que vous n’auriez jamais dû fouler… Mais, un petit coup de destin, un soupçon d’audace, des envies d’imprévu… Et vous y voilà ! C’est l’odeur des fougères que l’on devine derrière celle, moins disciplinée d’un poirier déjà lesté des centaines de fruits dont il nous régalera à l’automne. L’odeur, plus lointaine d’une maison qui a eu une vie avant celle-ci. Une vie de cire d’abeille, d’huile de lin, et de térébenthine. De sapo, aussi. Et puis… Celle, imperceptible, vaporeuse, hagarde, de cette fin de moisson. Festival olfactif. Évocateur. Entremetteur.
L’herbe coupée, donc. Inspirante, enivrante, exaltante,… Grisante, aussi. Une fenêtre ouverte sur de jolis possibles, l’herbe coupée. Un aller simple vers l’enfance. Mon enfance. Berrichonne. Insouciante. Légère. Rêveuse. Solitaire, aussi.
L’herbe coupée, donc. Mise en bouche alléchante. Prometteuse. Engageante. Appétissante. Séduisante, déjà. La plume de Nicolas Delesalle est belle, sensible, drôle. Le temps, la vieillesse, la mort. Des émotions intactes. Pures, authentiques, cristallines, vierges …
L’herbe coupée… Des promesses, de l’enthousiasme, de l’insolite, du poétique, des renoncements,… Des déceptions, parfois…
Un texte d’une grande sensibilité, une belle nostalgie à partager !